J'ai trouvé la meilleure comédie de l'année (et Kaia Gerber joue dedans) (2024)

Réalisé par la Canadienne Emma Seligman (Shiva Baby) et produit par l'Américaine Elizabeth Banks (Pitch Perfect, Cocaine Bear), Bottoms est la comédie qu'on n'attendait pas mais dont on avait terriblement besoin. Présenté en avant-première au festival South by Southwest au début de l’année avant de sortir dans les salles américaines à la fin de l'été, le film a été très bien accueilli par les spectateurs comme par la critique, qui ont salué unanimement son écriture pleine d’humour ainsi que les interprétations de ses acteurs attachants, et tous plus drôles les uns que les autres. Cette belle surprise multiplie les recettes et prouve le succès des histoires queer et féministes (et surtout de celles qui ne tournent pas nécessairement au drame) auprès du grand public. Après tant d'éloges, on ne pouvait pas y échapper. Ce mardi 21 novembre, Bottoms fait son arrivée sur Prime Video. On file le visionner.

Bottoms : une fresque adolescente au féminisme irrévérencieux

Le pitch du film d’Emma Seligman est simple. On suit deux meilleures amies, PJ, incarnée par Rachel Sennott (connue pour sa participation dans Bodies, Bodies, Bodies et The Idol) qui a par ailleurs co-écrit l'histoire de Bottoms, et Josie, jouée par la merveilleuse Ayo Edebiri découverte dans la série The Bear. Toutes deux en classe de terminale, elles se languissent d’aventure jusqu'au jour où elles décident de monter un club d'autodéfense. Sorte de Fight Club au féminin, cette activité officiellement créée au nom de l'empowerment leur sert surtout d'excuse pour se rapprocher plus ou moins discrètement des pom-pom girls de leur lycée. Ouvertement lesbiennes, Josie et PJ rêvent de perdre leur virginité avant d’entrer à la fac. La première craque sur Isabel, une cheerleader parfaitement sûre d’elle, tandis que la seconde en pince pour son amie Brittany… Le hic ? Ces dernières sont 100% hétéro. On pourrait s'arrêter ici pour noter la contemporanéité inédite du film : des personnages féminins et lesbiens au premier plan. Mais, bien sûr, Emma Seligman poursuit son intrigue avec malice.

La question des premiers émois sexuels est compliquée pour nos deux acolytes en mal de popularité, l'un des tropes ayant défini le genre des teen movies dans les années 2000. À leurs côtés, Kaia Gerber les rejoint en incarnant la très cool Brittany. Cheerleader à la beauté qu'on ne peut atteindre (et qui regrette d’ailleurs de n’être considérée que pour cela), la jeune femme n'a pas grand mal à retrousser ses manches pour se battre au rythme de la pop musclée de Charlie XCX, y compris si cela implique des éclaboussures de sang sur son joli minois. Bottoms souligne ainsi, avec ce qu'il faut de satire, la bêtise des personnages féminins dépeints dans les comédies adolescentes, comme dans le cinéma en général, où ils demeurent encore majoritairement écrits pour le regard de l'homme qui la regarde (c'est ce que l'on appelle le male gaze). Autre signe du féminisme qui imbibe le film, les liens que tissent les personnages derrière l'absurdité du tableau. Au fil d'une discussion, PJ et Josie mettent les pieds dans le plat et demandent aux filles venues participer à leur club si elles ont déjà été victimes d'un viol. Personne ne semble réagir. Lorsqu'elles précisent que tout comportement ou agression entrant dans la zone grise du consentement compte, la donne change, immédiatement. Les mains se lèvent, en même temps que le constat d'une réalité tristement implacable. Derrière les couloirs saturés de couleurs vives, les blessures du patriarcat tapent contrent les murs. Progressivement, Bottoms prend des airs de Promising Young Woman. Et on adore ça.

Cependant, c'est loin d'être la seule allusion que l'on peut coller à Bottoms. Pour ce second long-métrage, la réalisatrice Emma Seligman a puisé son inspiration dans plusieurs teen movies : on retrouve l'esthétique de Grease (1978) à de nombreux égards, à commencer par les figures des pom-pom girls, ces filles “cool” que les autres, et principalement les nerds (dans le domaine des stéréotypes de la culture populaire, les nerds sont ces intellos solitaires car intentionnellement mis de côtés par les élèves les plus populaires) envient. Certains costumes, dont le cardigan à carreaux jaune et blanc porté par Isabel, nous replongent avec une nostalgie délicieuse dans le vestiaire de Cher Horowitz dans l'iconique Clueless (1955). Le message sur l'émancipation féminine fait écho à celui dicté par Peyton Reed dans American Girls (2000), le surréalisme imparfait et plein d'humour, exacerbé dans la scène finale où se tient une bataille au ralenti, n'est pas sans rappeler les mésaventures de notre chère Regina George dans Lolita malgré moi (2004), l'énergie du film fait penser au panache de Kick-Ass (2010)… En rassemblant ces toutes références, Bottoms devient le teen movie ultime, celui qui use des tropes du genre à bon escient, misant sur certain pour construire une intrigue convaincante, décriant les autres pour capturer l'air de son temps avec une immense pertinence, comme a pu le faire le Booksmart d'Olivia Wilde auparavant.

Le film Bottoms est actuellement disponible en streaming sur Prime Video.